Budget, rentrée scolaire, emploi… l’Assemblée va se mettre à table (Source : Liberation.fr)

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Décryptage Les parlementaires devraient siéger en session extraordinaire jusqu’au 3 août. Revue des textes prioritaires.

Par CHRISTOPHE ALIX, JACKY DURAND, LUC PEILLON, VÉRONIQUE SOULÉ, YANN PHILIPPIN
A peine élus et déjà dans l’Hémicycle. Dès le mardi 26 juin, 15 heures, les 577 députés sont convoqués pour l’ouverture de la XIVe législature de l’Assemblée nationale. Elle débutera par l’élection du nouveau (ou nouvelle) président(e), avant la constitution des groupes parlementaires. Suivront, le lendemain, la désignation du bureau de l’Assemblée et la composition des huit commissions permanentes. Mais pas question, ensuite, de partir en vacances : le président de la République devrait convoquer une session extraordinaire, sans doute jusqu’au 3 août, afin d’étudier les premiers projets de loi. Tour d’horizon des textes examinés dès cet été, en plus de celui sur le harcèlement sexuel, seul projet pour l’instant officiellement au programme.

Finances publiques

C’est l’urgence numéro 1 du gouvernement : redresser au plus vite les comptes publics, au moment où l’évolution «spontanée» du déficit 2012, en raison d’une croissance du PIB plus faible que prévue, dérive dangereusement vers les 5%, selon le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici. Et éloigne donc de l’objectif initial de 4,5%(contre 5,2% fin 2011). Reste que juillet devrait être essentiellement consacré au volet recettes, la partie économies étant renvoyée au débat budgétaire de l’automne.

Concrètement, une fois connu l’audit de la Cour des comptes (fin juin ou début juillet), l’exécutif sera en mesure de dévoiler les contours d’un collectif budgétaire destiné «à corriger les erreurs de nos prédécesseurs», comme l’a affirmé le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. En jeu, une dizaine de milliards d’euros de prélèvements supplémentaires, issus de mesures contenues dans le programme fiscal de François Hollande : rétablissement de l’ancien barème de l’ISF (2 milliards d’euros), suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires (sauf dans les entreprises de moins de 20 salariés) pour un montant de 1 milliard d’euros d’ici la fin 2012… Autre emblème du sarkozysme, l’allégement des droits de succession sera supprimé avec, d’après le journal les Echos, un abaissement de 159 000 à 100 000 euros (par parent et par héritier) du montant pouvant être transmis en franchise d’impôt, et le passage de dix à quinze ans du délai entre deux transmissions défiscalisées. La taxation à 75% de la part des revenus supérieure à 1 million d’euros par an est en revanche reportée à l’automne (pour le budget 2013), tout comme le débat d’orientation pluriannuel sur les finances publiques.

Parmi les autres mesures envisagées, mais non arbitrées à ce stade : un dispositif anti-abus pour limiter l’optimisation fiscale des grandes entreprises, et une hausse à 20% (contre 8% actuellement) du forfait social sur les sommes versées par les entreprises dans le cadre de l’intéressement et de la participation. Sans surprise également, la TVA sociale chère à Nicolas Sarkozy sera abrogée dès cet été, mais la hausse de 2 points de CSG sur les revenus du capital (de 13,5% à 15,5%) décidée par François Fillon sera maintenue. Pour atteindre les 10 milliards de recettes supplémentaires, le gouvernement pourrait aussi activer cet été d’autres contributions exceptionnelles, comme celle des pétroliers et des banques sur leurs bénéfices ou la taxation des nuitées dans les hôtels de luxe.

Reste, enfin, le projet de loi d’assainissement des activités bancaires, avec séparation des activités de banque de dépôt et d’investissement, inspiré des réformes en cours en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Prévu à l’origine dès cet été dans le cadre du plan d’action des 100 premiers jours de François Hollande, ce texte portant sur un sujet très complexe pourrait finalement être reporté à la rentrée. Au final, ce collectif se concentrera sur le premier volet de la réforme fiscale voulue par le président de la République. Pour les économies, rendez-vous à la rentrée.

Éducation

L’Education nationale devrait elle aussi s’inviter dans le collectif budgétaire, mais cette fois-ci côté dépenses. Il s’agit en effet de financer les 1 000 postes supplémentaires d’enseignants du primaire promis par le ministre, Vincent Peillon, devant permettre que la rentrée se passe un peu mieux dans les écoles. Une façon de compenser une petite partie des 14 000 postes supprimés cette année (premier et second degré) par l’ex-gouvernement. Autre volet : le refinancement de 15 000 contrats aidés qui arrivent à échéance en juillet. Il s’agit d’AVS (auxiliaires de vie scolaire) et d’EVS (emplois vie scolaire) qui aident les directeurs d’école pour la partie administrative et qui accompagnent les élèves handicapés en classe. Dans l’enseignement supérieur, enfin, la ministre, Geneviève Fioraso, compte elle aussi décrocher des crédits afin d’assurer le financement du dixième mois de bourse promis par Nicolas Sarkozy. Une mesure mise en œuvre à la dernière rentrée mais dont la nouvelle équipe s’est aperçue en arrivant au ministère qu’elle n’avait pas été budgétée. Geneviève Fioraso tentera également d’obtenir une rallonge permettant de faire un geste à l’égard des étudiants, comme par exemple une hausse des bourses au niveau de l’inflation.

Intérieur

Le doigt sur la couture du pantalon, Manuel Valls attendra la déclaration de politique générale du Premier ministre pour dévoiler sa feuille de route place Beauvau. D’autant, explique un proche du ministre de l’Intérieur, qu’il s’agit de rompre avec l’inflation législative de ses prédécesseurs. Valls avance donc prudemment après la levée de boucliers des syndicats de police contre la mise en place d’un récépissé délivré par les agents pour éviter les contrôles d’identité abusifs. Officiellement, on ne parle pas de rétropédalage mais «le ministre ne veut pas d’une mesure qui serait perçue comme vexatoire par les policiers», insiste-t-on dans son entourage. Sur les contrôles d’identité, Valls a également demandé une «remontée d’informations sur les différentes initiatives prises au Canada, en Espagne et en Grande-Bretagne», et plusieurs pistes sont à l’étude : «Si on remet un récépissé, cela suppose un carnet à souches, donc une forme de fichage qui pose question, analyse un haut responsable de la place Beauvau. Les policiers pourraient remettre une sorte de carte de visite à l’occasion de chaque contrôle d’identité.» Il est aussi question d’en finir avec la politique du chiffre martelée par Nicolas Sarkozy en instaurant une «autre politique de pilotage de la performance». Conformément à l’engagement du candidat Hollande, une cinquantaine de zones de sécurité prioritaire vont être définies avec, dans un premier temps, des expérimentations menées sur un an dans une dizaine d’entre elles, «afin de mieux y assurer la sécurité». Manuel Valls veut aussi réduire la friture sur la ligne police-justice en «assurant un meilleur fonctionnement de la chaîne pénale», grâce à des commissions police-justice. Enfin, on répète place Beauvau qu’il faut améliorer les relations entre la police et la population. «Le ministre de l’Intérieur a l’intention d’être pragmatique», répète un de ses proches.

Emploi – Industrie

Difficile de savoir, concernant le marché du travail, quels projets de loi pourraient être présentés dès cet été. Et pour cause : officiellement, les textes touchant à ce domaine seront d’abord discutés avec les partenaires sociaux, lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet. Pour plusieurs d’entre eux – lutte contre les plans sociaux abusifs, procédure de fixation du Smic, avenir du système de retraites, égalité professionnelle… -, les discussions risquent ainsi de s’étaler au-delà de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale. «Tout dépendra de l’avancée des échanges», résume-t-on au ministère du Travail. Certains projets de loi, cependant, pourraient être étudiés avant début août, comme le texte visant à obliger un groupe souhaitant se séparer d’un site rentable à le proposer à un éventuel repreneur, texte qui pourrait aider le gouvernement au moment où se multiplient les annonces de fermetures d’usines. Le projet sur les emplois d’avenir pourrait également être examiné assez tôt.

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